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âmes si incomplètement pénétrables les unes aux autres, mais consolées pourtant par leurs lèvres de chair, il considère aussi « que la science est une excellente génératrice d’unanimité et par suite éminemment propre à réunir les hommes dans un sentiment de confraternité universelle ». À son jugement, « le sens esthétique, c’est-à-dire l’aptitude à goûter l’expression morale des formes, inspire l’amour », et l’éthique constitue « l’emploi de l’activité à produire le plus possible et sans relâche ce qui peut améliorer et embellir la condition terrestre, comme à scruter la Nature aussi profondément qu’il est permis à notre intelligence ». Devant l’ironie et le scepticisme, nous semble-t-il en effet, ce besoin moral n’exige pas de justification plus formelle que le besoin physique. Qu’impérieusement on le sente, suffisamment le révèle ! Ceux qui en réclament une démonstration évidente ou lui objectent l’existence des criminels comme des amoraux ne devraient-ils pas, selon leur logique, imiter les chercheurs de nourritures immondes ou contester l’implacable finalité de la faim ? Simplement dépouillons l’éthique de tout dogmatisme, et n’interprétons point les formules de plus en plus souveraines du naturalisme selon ces paradoxes où notre cher Rousseau accuse la civilisation : affirmons que la Nature ou la Vie, ces termes identi-