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M. DE FONTANES

modestes élégies qui prennent les devants pour plus de sûreté, et gagnent les cœurs.

Par bonheur, ici, Fontanes est à la fois le Properce et le Ponticus. Bien qu’on n’ait pas retrouvé les quatre livres d’odes dont il parlait à un ami un an avant sa mort, il en a laissé une suffisante quantité de belles, de sévères, et surtout de charmantes. Il peut se consoler par ses petits vers, comme Properce, de l’épopée qu’il n’a pas plus achevée que Ponticus. Quatre ou cinq des sonnets de Pétrarque me font parfaitement oublier s’il a terminé ou non son Afrique.

Un jour donc que, sur sa terrasse de Courbevoie, Fontanes avait tenté vainement de se remettre au grand poëme, il se rabat à la muse d’Horace ; et, comme il n’est pas plus heureux que d’abord, il se plaint doucement à un pêcheur qu’il voit revenir de sa pêche, les mains vides aussi :

Pêcheur, qui des flots de la Seine[1], etc.


Ainsi, au moment où il dit que la muse d’Horace le fuit, il la ressaisit et la fixe dans l’ode la plus gracieuse. Il dit qu’il ne prend rien, et la manière dont il le dit devient à l’instant cette fine perle qu’il à l’air de ne plus chercher. De même, dans une autre petite ode exquise, lorsqu’au lieu de se plaindre, cette fois, de son rien-faire, il s’en console en le savourant :

Au bout de mon humble domaine,[2] etc.


Mais ne peut-on pas lui dire comme à Titus ? Il n’est pas perdu, ô poëte, le jour où tu as dit si bien que tu le perdais !

Dans l’ode au Pêcheur, un trait touchant et délicat sur

  1. Voy. tom. Ier, pag. 138.
  2. Voy. tom. Ier, pag. 123.