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M. DE FONTANES

Dans cette adorable pièce, comme le rhythme sert bien l’intention, et tout à la fois exprime le malin, le tendre et le mélancolique ! Comme cette strophe de neuf vers déjoue à temps et dérobe vers la fin la majesté de la strophe de dix, et la piquant, l’excitant d’une rime redoublée, la tourne soudain et l’incline d’une chute aimable à la grince ! Fontanes sentait tout le prix du rhythme ; il le variait curieusement, il l’inventait. Dans la touchante pièce intitulée : Mon Anniversaire[1], il fait une strophe exprès conforme à la marche attristée, résignée et finalement tombante de sa pensée. Il aimait à employer ce rhythme de cinq vers de dix syllabes, depuis si cher à Lamartine, et qui n’avait qu’à peine était traité encore, soit au xviie siècle[2], soit même au xvie. Sur les rimes, il a les idées les plus justes ; il en aime la richesse, mais sans recherche opiniâtre : « Une affectation continue de rimes trop fortes et trop marquées donnerait, pense-t-il[3], une pesante uniformité à la chute de tous les vers. » On dirait qu’il entend de loin venir cette strophe magnifique et formidable, trop pareille au guerrier du moyen âge qui marche tout armé et en qui tout sonne. En garde contre le relâchement de Voltaire, il est, lui, pour l’excellent goût de Racine et de Boileau, qui font naître une harmonie variée d’un adroit mélange de rimes, tantôt riches et tantôt exactes. André Chénier sur ce point ne pratique pas mieux.

À Courbevoie, dans un petit cabinet au fond du grand, il avait le boudoir du poëte, le lectulus des anciens : tout y était simple et brillant (simplex munditiis). Les murs se décoraient d’un lambris en bois des iles, espèce de luxe alors dans sa nouveauté. Une glace sans tain faisait porte au grand cabinet ;

  1. L’idée en est prise d’une épigramme d’Archias de Mitylène, mais combien embellie !
  2. Je trouve, au xviie siècle, une pièce de vers dans ce rhythme, par un abbé de Villiers, Stances sur la Vieillesse (et tout à fait séniles), qu’on lit au tome II de la Continuation des Mémoires de Sallengre.
  3. Notes de l’Essai sur l’Homme.