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OEUVRES DE FONTANES.

En vain, plus d’une fois, le courroux du tonnerre
Imprima tous ses traits sur leur front centenaire :
Jusqu’au ciel élevés, leurs panaches mouvants
Ont bravé les hivers, le tonnerre et les vents.
Que leur aspect est beau ! Que leur ombre vieillie
Couvre d’un dais pompeux la terre enorgueillie !
Qu’on ne me vante plus l’aspect de ces climats
Où l’arbre aux pommes d’or ne craint point les frimais i
J’ai souvent regretté, dans les jardins d’Hyère,
D’un tilleul arrondi la voûte hospitalière.
O féconde Neustrie ! est-ce à toi d’envier
Les dons de l’Hespéride et ceux de l’olivier ?
Ton sort est assez beau ; vois tes larges ombrages,
Ton épaisse verdure, et ces gras pâturages
Où de tes fiers taureaux l’herbe cache les fronts,
L’Épire eut des coursiers moins vaillants et moins prompts ;
Pan eut moins de troupeaux, et c’est dans tes prairies
Qu’il semble avoir porté ses vastes bergeries.
Dirai-je un peuple immense occupé dans tes ports,
La mer joignant ses dons à tes propres trésors,
Et ces blés, qu’opprima leur abondance même,
Usant dans tes guérêts la faux de Triptolême,
Et tes riches greniers toujours prêts à s’ouvrir,
Et ton prodigue sein qu’on ne peut appauvrir ?
Jadis l’antiquité représentait Cybèle
Portant des fils nombreux autour de sa mamelle ;
Un faisceau d’épis mûrs environnait ses flancs,
Des lions subjugués la traînaient à pas lents,
Et les tours des cités formaient son diadème.
O Neustrie ! à ces traits je crois voir ton emblème.