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ŒUVRES DE FONTANES.

Sous ce château détruit qu’on m’élève une tombe !
Une charmante fée y viendra quelquefois
Dans les nuits de l’été faire entendre sa voix ;
D’un myrte ou d’un rosier sa féconde baguette
Ornera tout-à-coup le cercueil du poète :
Mon ombre se réveille, et la suit dans les airs.
J’ose, j’ose espérer que, pour prix de ces vers
Où, suivant au hasard ma vague rêverie,
J’ai rendu quelque gloire à l’antique féerie,
Ces fantômes riants, hôtes légers du ciel,
Ces heureux farfadets, compagnons d’Ariel,
Et tous les enchanteurs, Prospero, Mélusine,
Arthur avec Merlin, Urgèle avec Alcine,
M’accueilleront un jour dans leurs palais mouvants
Au milieu des éclairs, des vapeurs et des vents.
Tantôt, de ce nuage obscurcissant ma tête,
Je veux jouer, rouler, gronder dans la tempête ;
Et tantôt, déployant les plus riches couleurs,
Mes ailes doucement glisseront sur les fleurs.
D’un héros vertueux, gémissant dans les chaînes,
Mon invisible voix consolera les peines.
Aux vieillards fatigués j’irai tendre la main,
Aux voyageons errants indiquer le chemin ;
Une jeune beauté, d’elle seule ignorée,
Par mon souffle amoureux tout-à-coup effleurée.
Va d’un trouble inconnu rougir innocemment,
Et paraitra plus belle aux yeux de son amant.
D’autres fois, présidant au plus tendre délire,
D’un troubadour aimé j’animerai la lyre,
Je dicterai ses chants. Le soir, vers mon tombeau,