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ŒUVRES DE FONTANES.

Sans doute il doit se plaire à l’horrible harmonie
De tes douze torrents grossis par le Cancer.
Niagara français dont la nappe bleuâtre
Tombe par bonds, se brise et retombe en fureur
 Sur ce bruyant amphithéâtre,
L’œil ne peut jusqu’à toi s’élever sans terreur !
 J’ai franchi la voûte de glace
 Où tes eaux confondent leur masse,
 Et répandant au loin l’horreur,
 Font reculer par leur menace
 Et le pâtre et le laboureur.
Ici, Pyrène en deuil, aride, solitaire,
Prit en s’agrandissant un plus dur caractère.
 Quel architecte avec tant d’art
Comme de hautes tours tailla ces rocs énormes
Qui, portés l’un sur l’autre en gradins uniformes,
Dans un long demi-cercle enferment mon regard,
 Et dont les chaînes menaçantes
 Sont pour deux nations puissantes
 Un invincible boulevard ?
On dirait qu’élevant leurs masses granitiques,
La nature en ces lieux, aux jours les plus antiques
Voulut, pour rabaisser les travaux des humains,
Bâtir un cirque immense et digne de ses mains.
 Quel nouveau rival de Saussure,
Escaladant ces monts par la neige couverts,
 M’en apprendra l’histoire obscure ?
Ont-ils été l’ouvrage ou des feux ou des mers ?
Sont-ils contemporains du naissant univers ?
Qui saura, d’une main audacieuse et sûre,