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SUR M. DE FONTANES.

l’estime dont il jouissait dans l’assemblée, et que le besoin qu’avait le premier Consul de donner au moins une apparence de dignité et de liberté à cette législature muette, par le choix du seul personnage qui avait le droit d’y parler ? Ce n’est pas que Fontanes eût le don de l’improvisation. Il avait beaucoup de mouvement dans l’esprit ; il exprimait ses idées avec vivacité et en termes excellents dans la conversation ; et pourtant une timidité invincible le rendait incapable de prononcer à la tribune publique une ou deux phrases qu’il n’aurait pas écrites. Mais aussi, pourvu qu’il lui fût accordé quelques instants de préparation, sa pensée s’exhalait en accents pleins de noblesse et de courage.

Ici les faits sont si nombreux qu’on n’èprouve que l’embarras du choix. Le 17 février 1804, deux commissaires du gouvernement viennent proposer un décret portant que tout individu qui recevrait George et Pichegru serait puni de six années de fers, si le récèlement avait eu lieu avant la promulgation du décret, et de la peine de mort, s’il avait lieu postérieurement. Fontanes, sans s’expliquer (et il ne le pouvait pas) sur le fond de cette odieuse proposition, n’en flétrit pas moins la création des commissions extraordinaires et des tribunaux spéciaux : Les lois, dit-il, ont seules le droit de condamner ou d’absoudre, et le corps qui les sanctionne doit attendre leur jugement. Le 24 mars de la même année, le Corps législatif, ayant reçu le complément du code civil, décrète qu’il sera élevé dans le lieu de ses séances une statue en marbre à l’auteur de ce bienfait. Fontanes, orateur de la députation chargée d’annoncer cette décision au premier Consul, affectant de ne parler que de la confection du Code et d’éviter toute allusion. même indirecte, à l’attentat commis trois jours auparavant sur la personne du duc d’Enghien, Fontanes s’exprime ainsi : « La sage uniformité de vos lois va réunir de plus en plus tous les habitants de cet empire immense, etc., etc. » Bonaparte, dans le Moniteur du lendemain, substitue à vos lois, ces mots perfides : vos mesures. Fontanes, indigné,