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STANCES.


« Eh quoi ? dit-il, tu fis Armide
« Et tu peux accuser ton sort !
« Souviens-toi que le Méonide,
« Notre modèle et notre guide,
« Ne devint grand qu’après sa mort.

« L’Infortune, en sa coupe amère,
« L’abreuva d’affronts et de pleurs ;
« Et quelque jour un autre Homère
« Doit, au fond d’une île étrangère,
« Mourir aveugle et sans honneurs.

« Plus heureux, je passai ma vie
« Près d’Horace et de Varius ;
« Pollion, Auguste et Livie
« Me protégeaient contre l’envie,
« Et faisaient taire Mévius.

« Mais Énée aux champs de Laurence
« Attendait mes derniers tableaux,
« Quand près de moi la mort errante
« Vint glacer ma main expirante,
« Et fit échapper mes pinceaux.

« De l’indigence et du naufrage
« Camoëns connut les tourments ;
« Naguère les nymphes du Tage,
« Sur leur mélodieux rivage,
« Ont redit ses gémissements.