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LA MAISON RUSTIQUE.

Ô vous qui présidez à leur humble destin,
Divinités des champs, n’en soyez point confuses !
Le choux, dont le nom seul faisait rougir les Muses,
Oubliant leurs mépris, de tributs toujours verts,
Ainsi que les étés, enrichit les hivers.

 Il est un végétal peut-être plus utile
Qu’un voyageur anglais au milieu de son île
Du fond de l’Amérique a jadis transporté ;
Il étonne les champs par sa fécondité,
Du refus de Cérès souvent nous dédommage,
Et doit même avec elle obtenir notre hommage.

 Mortels, qui d’un faux luxe êtes souvent épris,
Ces herbes que vos pieds foulent avec mépris,
Plus que l’or et le fer, ont fait vos destinées.
Triptolême, en semant ses graines fortunées,
Vit naître et la patrie et les mœurs et les lois ;
La vigne au bord du Tibre appela les Gaulois ;
Vingt peuples, sur les mers affrontant la tempête,
Vont du miel d’un roseau disputer la conquête ;.
Souvent un végétal trouvé dans les déserts,
Un arbuste, un seul fruit, peut changer l’univers.

 De vos plants réguliers marquez bien le partage :
Ainsi la sève égale en tous lieux se ménage.
L’ordre convient toujours à nos faibles travaux.

 Des règles ennemis, nos précepteurs nouveaux
S’applaudissent en vain d’imiter la nature ;