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NOTICE HISTORIQUE

« Le passé, le présent, l’avenir, tout m’afflige ;
« La vie à son déclin est pour moi sans prestige ;
« Dans le miroir du temps elle perd ses appas.
« Plaisirs, allez chercher l’amour et la jeunesse ;
  « Laissez-moi ma tristesse,
  « Et ne l’insultez pas !


On voit, par cette seule citation, combien les derniers jours de Fontanes, quoique doux, paisibles et honorés, étaient loin de la gaieté, de la confiance de ses premières années, dont quelques esprits sévères lui ont reproché la dissipation. D’où lui venait cette mélancolie nouvelle, non mélancolie poétique, mais intime, mais personnelle à l’homme ? il faut bien l’avouer, elle venait uniquement du chagrin de vieillir. Il poussait cette faiblesse jusqu’au point de ne jamais dire son âge ; et pourtant, il avait encore à soixante-quatre ans la force et la vivacité d’un homme de quarante. Mais il craignait de ne pas plaire au monde nouveau qui l’entourait, comme il avait plu aux amis de sa jeunesse ; et cette idée le poursuivait au sein même des conversations littéraires ou politiques qu’il avait animées si longtemps de son esprit vif, orné et judicieux. Il ne retrouvait toute sa sérénité que dans un petit nombre de sociétés intimes, telles que celle de son vieil ami Joubert, où il rencontrait presque toujours M. de Châteaubriand, M. de Bonald, et M. Clausel de Coussergues qu’il appelait son théologien. Dans sa jeunesse, Fontanes avait connu d’Alembert, dont la philosophie était fort différente. Il alla le voir un jour, et, le trouvant malade et sans espérance, il adressa ces mots au philosophe : « Actuellement, que pensez-vous d’une autre vie ? » D’Alembert, laissant tomber sa tête sur sa poitrine et mettant en même temps la main sur le bras de Fontanes, lui répondit : « Jeune homme, je n’en sais trop rien. » Deux

    dans ceux-ci, une dépravation du goût dans ceux-là, un sophisme de la paresse dans les uns, de l’impuissance dans les autres. » (Châteaubriand, Essai sur la Littérature anglaise, t. 2, p. 253.)