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ŒUVRES DE FONTANES.

Le sol, encor brisé par la roue infernale,
Fume et noircit les airs du soufre qu’il exhale ;
Le passant se détourne, et, glacé par la peur,
Croit du lac Stygien respirer la vapeur.
Le héros est entré dans la caverne obscure.

 Dès qu’il en a franchi l’effrayante ouverture,
Il rencontre un ruisseau qui serpente sans bruit,
Et que du froid Léthé les sources ont produit.
Des moissons de pavots ont bordé son rivage ;
Leurs sucs, dont se compose un magique breuvage,
À chaque initié sur ces bords sont offerts ;
Ainsi l’a commandé la Reine des enfers.
Du Sommeil tout auprès est la noire demeure,
Et des fleurs qu’il chérit le couvrant à toute heure,
Les Songes, de sa cour ministres assidus,
Volent, glissent dans l’ombre, à son lit suspendus,
Le bercent dans leurs bras, et de couleurs nouvelles
Peignent incessamment et leurs corps et leurs ailes.
Il est des Songes vrais, s’il en est de menteurs :
Quand ils ont ou Minerve ou Cérès pour auteurs,
Ces fils ailés du ciel aux mobiles plumages
N’abusent point nos sens d’infidèles images.

 Thémistocle a saisi le breuvage ordonné :
Tout change, de son guide il est abandonné,
Ce qu’il a de mortel et succombe et sommeille,
Mais, plein d’un Dieu caché, son esprit toujours veille
Alors, s’offrant sans voile aux regards du héros,
Le Dieu se manifeste et lui parle en ces mots :