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POÉSIES DIVERSES.


LE CHANT DU BARDE.


1783.


(Ossian parle.)


Je veillais dans la nuit, et le vieux tronc du chêne
Dans le large foyer brûlait en pétillant ;
L’orage mugissait dans la forêt prochaine,
  Et de loin, le dogue hurlant
Courait après le spectre abaissé sur la plaine.
Salut ! ô sombre nuit ! salut ! j’aime ton deuil ;
Maintenant des héros les âmes révérées,
  Dans les nuages égarées,
  Planent autour de leur cercueil.
  Qu’entends-je ? quelle voix m’appelle ?
Ossian… Ossian… Ce n’est point un vain bruit,
C’est Fingal, c’est la voix de l’ombre paternelle.
  J’étends mes bras, elle s’enfuit…
Mais, le long de ce mur, le fantôme invisible
  A touché ma harpe en passant.
L’air frémit, et trois fois de la corde sensible
  Sort un harmonieux accent.
Ô harpe ! ô de mes maux tendre dépositaire,
Toi, dont jadis les sons plaisaient tant à mon père
Reprends, pour le chanter, tes accords suspendus
Tu consoles mon cœur, tu charmes sa tristesse,
Comme le souvenir des jours de ma jeunesse.
  Ou des amis que j’ai perdus.