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DE M. DE CHATEAUBRIAND.

orgie. Nous sommes si loin de la langue française d’autrefois, si étrangers au mouvement ordonné de ces sentiments qui naissent les uns des autres, et ne cherchent point leur effet hors nature ! Les écrits de mon ami vous entraînent par un cours égal et limpide ; l’âme éprouve un bien-être et se trouve dans une situation heureuse où tout charme et rien ne blesse.

M. de Fontanes revoyait sans cesse ses ouvrages : le Verger est maintenant un poème nouveau. Nul plus que le maître des vieux jours n’était convaincu de l’excellence de la maxime : « Hâte-toi lentement. » Que dirait-il donc aujourd’hui qu’au moral comme au physique, on s’évertue à supprimer le chemin ; on croit ne pouvoir aller jamais assez vite. M. de Fontanes préférait voyager au gré d’une mesure harmonieuse. Il m’a communiqué ses goûts, ou, si l’on veut, ses préjugés. Il faut être singulièrement pressé pour traverser le ciel à tire d’aile, sans avoir le temps de se livrer à une rêverie ou de placer une idée sur la route. Il n’y a que Françoise de Rimini avec laquelle on peut fuir d’une fuite éternelle :

Quali colombe, dal disio chiamate,
Con l’ali aperte e ferme al dolce nido
Volan per l’aer dal voler portate.


Le siècle littéraire, je le sais, ne retournera pas en arrière à la publication d’un livre classique : on s’ennuie de tout, lorsque l’ennui que l’on éprouve n’est pas dans la chose vue, mais lorsqu’il existe dans l’esprit qui voit. Il suffira que les deux volumes — Fontanes nous demeurent comme témoins de ce que nous avons perdu, en nous faisant juger de l’épaisseur de la terre végétale enlevée.