Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes, Leroy, 1820.djvu/69

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en un autre. Cependant il ne laissa pas de se trouver des hommes, et dans des pays très-chauds, et dans des pays très-froids ; voilà déjà le monde augmenté. Ensuite on jugea que l’Océan couvroit toute la terre, hormis ce qui étoit connu alors, et qu’il n’y avoit point d’antipodes, car on n’en avoit jamais ouï parler, et puis, auraient-ils eu les pieds en haut, et la tête en bas ? Après ce beau raisonnement on découvre les antipodes. Nouvelle réformation à la carte, nouvelle moitié de la terre. Vous m’entendez bien, Madame, ces antipodes-là qu’on a trouvés contre toute espérance, devroient nous apprendre à être retenus dans nos jugements. Le monde achèvera peut-être de se développer pour nous, on connaîtra jusqu’à la lune. Nous n’en sommes pas encore là, parce que toute la terre n’est pas découverte, et qu’apparemment il faut que tout cela se fasse d’ordre. Quand nous aurons bien connu notre habitation, il nous sera permis de connaître celle de nos voisins, les gens de la lune. Sans mentir, dit la marquise en me regardant attentivement, je vous trouve si profond sur cette matière, qu’il n’est pas possible que vous ne croyiez tout de bon ce que vous dites. J’en serois bien fâché, répondis-je, je veux seulement vous faire voir qu’on peut assez bien soutenir une opinion chimérique,