Page:Fontenelle - Entretiens sur la pluralité des mondes.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cru longtemps que la Lune étoit ensorcelée, & que des magiciennes la faisoient descendre du ciel pour jeter sur les herbes une certaine écume malfaisante ? & nous, n’eûmes-nous pas belle peur il n’y a que cinquante ans [En 1754], à une certaine éclipse de soleil, qui à la vérité fut totale ? Une infinité de gens ne se tinrent-ils pas enfermés dans des caves, & les philosophes qui écrivent pour nous rassurer n’écrivirent- ils pas en vain ou à peu près ? Ceux qui s’étoient réfugiés dans les caves en sortirent-ils ?

En vérité, reprit-elle, tout cela est trop honteux pour les hommes, il devroit y avoir un arrêt du genre humain, qui défendît qu’on parlât jamais d’éclipses, de peur que l’on ne conserve la mémoire des sottises qui ont été faites ou dites sur ce chapitre-là. Il faudroit donc, répliquai-je, que le même arrêt abolît la mémoire de toutes choses, & défendît qu’on parlât jamais de rien, car je ne sache rien au monde qui ne soit le monument de quelque sottise des hommes.