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SOUVENIRS

m’inspirait du goût pour tous les visages rébarbatifs ; c’eut été chez ceux-là que j’aurais cherché à reconnaître les descendans d’Agathocle et de Timoléon.

Le sentier appelé pompeusement chemin de Catane est tellement rocailleux et impraticable, qu’on traverse, pour l’éviter, des champs immenses couverts de chardons. Quelquefois, suivant de petites rivières, on passe sous des oliviers, des grenadiers, entremêlés de chênes et enlacés de grandes vignes sauvages. La main de l’homme ne paraît nulle part, et ce vieux pays reprend l’aspect d’une terre vierge et inconnue.

Ce désert, couvert de solanum épineux, de térébinthes, de mauves de dix pieds de haut, d’agnus-castus et de lauriers-roses, nous conduisit jusqu’à un bois d’oliviers qui couvre une vaste colline. C’est du sommet de ce lieu qu’on aperçoit tout le développement du mont Etna, ses principales éruptions tracées sur ses flancs, Messine, Taormine, Catane, la mer et les montagnes de la Calabre ; on a sous les yeux le cours du Symèthe, si célèbre chez les poètes par l’enlèvement de Proserpine : c’est à son embouchure que s’élevait jadis l’antique Morgantium, dont