Page:Forbin - Souvenirs de la Sicile.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
201
DE LA SICILE.

la main deux petits enfans de cinq ou six ans vêtus en moine, ouvrait la marche, et précédait huit frères lais des plus vigoureux, portant une grosse statue de S. Antoine. Les moines causaient avec les dames qui étaient aux fenêtres ; celles-ci usaient souvent du vocabulaire des doigts, dont j’ai déjà dit qu’on se sert en Sicile avec tant d’intelligence et de rapidité[1]. On rencontre trop fréquemment, dans les rues de Messine, des hommes couverts du sac de pénitent ; cet habit, ordinairement crasseux, ne laisse voir que les yeux : ils portent une tête de mort, et vous la présentent avec impudence au nom des ames du purgatoire. J’en voyais souvent vingt par jour, et chaque fois cette figure hideuse, ce cri sépulcral, me faisaient éprouver une nouvelle horreur. Ces spectres montent dans les maisons, et leur aspect imprévu peut frapper d’effroi une femme grosse, et troubler l’imagination des enfans par des frayeurs que rien ne saurait guérir. Enfin, entre le feu de l’enfer et le masque des pénitens, la religion la plus tou-

  1. On fait remonter l’usage de ce genre de conversation muette à l’époque des tyrans de Syracuse : c’est peut-être ce qui donna à Épicharme l’idée de la pantomime.