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LE RAJAH DE BEDNOURE,

sans suite, et retombait dans une rêverie dont son amie pouvait seule l’arracher. L’idée qu’il nourrissait en silence développa bientôt chez lui tous les symptômes de la passion la plus ardente, qui s’imprimèrent sur tout son être en caractères ineffaçables.

Une agitation constante attaquait même le principe de la vie chez William Makinston. Sa blessure s’était rouverte ; l’altération de ses traits amigeait toute cette famille ; et Solamé, effrayée du dépérissement de ce jeune homme, s’obstinait à lui offrir des soins, et s’enivrait, ainsi que lui, à la coupe empoisonnée qu’elle approchait sans méfiance de ses lèvres virginales.

Spectateur muet de cette scène singulière, je pouvais à peine croire ce qui frappait mes regards ; j’ignorais si mon silence se conciliait avec les devoirs de l’amitié : mais j’hésitais à révéler à M.lle d’Averney ce qui n’était plus un secret pour personne dans la colonie ; j’hésitais à couvrir le premier de la rougeur de la honte un visage d’une expression angélique. Dieu seul peut savoir tout ce que mon ame endurait de tourmens, lorsque je les voyais oublier l’univers entier sous les bosquets de souparis qui entouraient-