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LE RAJAH DE BEDNOURE,

influence funeste en m’éloignant de mes amis, les journées étaient ternes, sans but, sans fin ; tout me manquait à-la-fois, et je retournais à mes souffrances avec une joie inexplicable.

Par une bizarrerie aussi incompréhensible, souvent, dans nos promenades, je me sentais forcé de les quitter après avoir fait quelques pas avec eux : j’éprouvais un trouble intérieur indéfinissable ; j’enviais toutes les peines que se préparait Makinston : alors, m’asseyant sur le sable, la tête appuyée dans mes mains, mes yeux se baignaient de larmes involontaires. Quand la certitude de ne pouvoir inspirer de tels sentimens arrivait jusqu’à mon cœur, je le sentais se briser, défaillir, et, ne tenant plus à la vie que par les regrets, je trouvais encore une sorte de douceur à recueillir ce triste héritage des passions de ma jeunesse.

L’inquiétude de Solamé devint plus apparente lorsque nous apprîmes à-la-fois la prise du fort de Madegurrey par les Anglais et la liberté de Misra. On ignorait où il était allé depuis lors ; mais un grade élevé dans l’armée anglaise et le commandement d’un parti de Marattes devaient, disait-on, le mettre bientôt en