Page:Forneret - Rien, 1983.djvu/33

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sienne est plus douce mille fois. Oh ! si vous l’entendiez, vraiment il me fait mourir avec les mots de son cœur, vraiment. Vous ne pouvez penser comment il dit : « Je t’aime ! » Non, car il ne le dit jamais et je l’entends sans cesse. Le soleil échauffe les veines de la terre, — lui calcine les miennes. Mon Dieu ! comment veux-je donc raconter ce que j’éprouve ? Je suis bien embarrassée. Il y a quelque chose, quand il est là, de tout transparent, de tout illuminé, de tout suave, qui réjouit, qui étonne, qui accable. J’entends des sons, qui mordent d’abord l’oreille, puis la caressent ensuite, — puis l’enveloppent de mélodie. J’entends des baisers, cet argent des lèvres, qui sonnent tout autour de moi ; — puis des cris qui commencent, suivent, s’enflent, ondulent et s’en vont en s’éteignant. Est-ce là ce que j’éprouve, ce que j’entends, ce que je vois ? Non, ce ne peut être encore cela. — Parfois des images, à minces feuillés d’or, semblent passer sur ma tête ; — des tourbillons d’esprits, avec des ailes qui ne font ombre nulle part, viennent effleurer mon visage ; — des rubans, à nuances d’un nombre infini, se déroulent, s’épanchent, se froissent, brillent et tombent je ne sais où ; — un Génie, que Dieu seul connaît et envoie, m’entoure d’une impulsion qui tantôt me heurte, me retient, me rend froide, me ranime, me fond. C’est comme si je recevais trois ou quatre fois la vie, trois ou quatre fois la mort ».

La femme jeune regardait les pierres, les buissons, les herbes, et leur murmurait ce qui s’agitait en elle.

Bientôt le sentier se perdit au lieu du pavillon, et amena la femme jeune. Elle écouta son eau,

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