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PRÉFACE DE PIERRE LOUYS

depuis que ces lignes parurent en tête de vos Ballades Françaises. La préface qui saluait vos premières pages ne convient plus à la croissance magnifique de votre œuvre et vous faites trop d’honneur à cette brève étude en proposant de la réimprimer. J’avais hasardé une prédiction ; vous l’avez réalisée : c’est moi qui vous suis reconnaissant.

Nous pouvons le dire aujourd’hui, et même il ne faut pas le cacher : votre vie littéraire n’a pas toujours été « l’heureux voyage » que vos nouveaux lecteurs imaginent sans doute, s’ils ne considèrent que le point de départ et le sommet d’arrivée. Quel jeune poète ne voudrait être, ainsi que vous, connu à vingt-trois ans, illustre à quarante et pur de tout contact avec le profane ? Disons-le : votre tâche fut rude et votre mérite fut grand. Si vous aviez écouté les conseils de la critique, si, au lieu de vous créer un public à votre image, vous vous étiez soumis au public de vos aînés, vous auriez renoncé dès votre second volume à presque tout ce qui composait votre personnalité. Car on voulait bien admettre votre talent, mais on vous refusait le droit d’écrire selon le génie de ce talent. Le style nouveau qui était le vôtre éveillait moins de curiosités. On vous laissait entendre que vous aviez tort d’insister. Bref il ne tenait qu’à vous de renier votre doctrine et bien des tentations vous entouraient, mais comme celle du Doute vous fut épargnée vous avez lutté jusqu’au bout.

Et un jour s’est éveillée une génération nouvelle