Page:Fougeret de Monbron - Le Canapé couleur de feu.djvu/48

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premier convulsionnaire du monde n’est pas digne d’être mis en parallèle avec le dernier sauteur de la foire. — Songez-vous, dit le procureur, que vous offensez une infinité d’honnêtes gens par un parallèle aussi inégal ? — Il ne l’est pas tant que vous le croyez, repartit le chevalier ; s’il y a des personnes d’un rang distingué qui se mêlent de convulsionner, on peut vous en citer qui, dansant sur la corde, voltigent, marchent sur les mains et hasardent le saut périlleux sur des matelas : jamais les seigneurs n’ont eu tant d’émulation qu’aujourd’hui pour tous les exercices, excepté pour ceux qui conviennent à leur état. — Cela est bien louable, reprit le procureur. — Au moins, continua Commode, tout le mal qui peut arriver d’un goût si extravagant, c’est de se casser le cou ; et, dans la société, quelques cous de plus ou de moins ne sont pas une affaire. Mais, morbleu ! s’étudier à gâter la cervelle du pauvre monde par de sacrilèges histrionades, c’est ce que je ne puis digérer ; et, si j’en étais cru… — Vous n’êtes point l’apôtre des convulsionnaires, interrompit la procureuse. — Ce serait l’être d’une bande de scélérats, répliqua le chevalier. Combien de jolies filles ne m’ont-ils pas fait passer sur le corps,