Page:Fougeret de Monbron - Le Cosmopolite.djvu/42

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Passager, je ne pouvois pas m’attendre que la Cour recompensât mon zele, & qu’elle me fît la grâce de me conférer des dignités & des gratifications qui n’appartiennent qu’à ceux qui professent le métier des armes. Néanmoins, supposé que contre toute espérance on m’eût traité en militaire, deux doigts de ruban couleur de feu à ma boutonnière, ou une modeste annuité, m’auroient-ils jamais fait oublier la soustraction de quelqu’un de mes membres, & l’honneur d’étayer mon corps chancelant sur deux potences, ou de ne me moucher jamais que d’une seule main, eût-il été un équivalent au plaisir d’être bien ferme sur mes deux pieds, & de pouvoir me soulager à ma fantaisie de la droite & de la gauche ? Je ne crois point qu’on puisse me faire voir en cela un dédommagement réel : au contraire, je suis bien assuré qu’il n’est pas un de ces illustres & glorieux mutilés qui ne sacrifiât tous les Lauriers de Mars pour