L’erreur initiale de Nietzsche sur l’activité, confondue avec l’agression, entraîne sa théorie de la société humaine, aussi inexacte que son idée de la vie individuelle. Nietzsche prétend que « la société est, au fond, contre nature », parce qu’elle contrarie sur beaucoup de points l’expansion de la nature individuelle. Les forts, dit Nietzsche, « aspirent à se séparer, comme les faibles à s’unir » : si les premiers forment société, c’est « en vue d’une action agressive commune, pour la satisfaction commune de leur volonté de puissance ». « Leur conscience individuelle, ajoute Nietzsche, répugne beaucoup à cette action en commun. » Les faibles, eux, se mettent en rangs serrés pour le plaisir qu’ils éprouvent à ce groupement, et par là leur instinct est satisfait ; tout au contraire, l’instinct des « maîtres de naissance (c’est-à-dire de l’espèce homme, animal de proie et solitaire) est irrité et foncièrement troublé par l’organisation[1]. » Ainsi, serait renversée, selon Nietzsche comme selon Stirner, la vieille définition d’Aristote qui croyait que, pour vivre seul et unique, il faut être une brute ou un dieu. Au
- ↑ Généalogie de la morale, IIIe dissertation, § 18. Page 237 de la trad. française.