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CHAPITRE III


l’idée de la vie sociale.



L’erreur initiale de Nietzsche sur l’activité, confondue avec l’agression, entraîne sa théorie de la société humaine, aussi inexacte que son idée de la vie individuelle. Nietzsche prétend que « la société est, au fond, contre nature », parce qu’elle contrarie sur beaucoup de points l’expansion de la nature individuelle. Les forts, dit Nietzsche, « aspirent à se séparer, comme les faibles à s’unir » : si les premiers forment société, c’est « en vue d’une action agressive commune, pour la satisfaction commune de leur volonté de puissance ». « Leur conscience individuelle, ajoute Nietzsche, répugne beaucoup à cette action en commun. » Les faibles, eux, se mettent en rangs serrés pour le plaisir qu’ils éprouvent à ce groupement, et par là leur instinct est satisfait ; tout au contraire, l’instinct des « maîtres de naissance (c’est-à-dire de l’espèce homme, animal de proie et solitaire) est irrité et foncièrement troublé par l’organisation[1]. » Ainsi, serait renversée, selon Nietzsche comme selon Stirner, la vieille définition d’Aristote qui croyait que, pour vivre seul et unique, il faut être une brute ou un dieu. Au

  1. Généalogie de la morale, IIIe dissertation, § 18. Page 237 de la trad. française.