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nietzsche et l’immoralisme

prêtres, les seuls vrais prêtres : ce seront les brahmanes. Nous voilà revenus sur les bords du Gange.


II


Nietzsche a en aversion le socialisme, parce que ce système s’oppose à la loi universelle d’exploitation. Dans le corps vivant, qu’arriverait-il si la tête cessait d’exploiter le reste du corps ? Toute fonction organique étant asservissement et incorporation, le collectivisme s’insurge en vain contre la loi qui assujettit les faibles aux forts.

De nos jours, dit Nietzsche, on espère « administrer l’humanité » d’une manière plus économique, moins ruineuse, plus uniforme et plus systématique, quand il n’y aura plus autre chose que de « vastes organismes collectifs et leurs membres ». On tient pour bon et juste tout ce qui, en quelque manière, se rapporte à cet « instinct » de centralisation et d’incorporation ; et c’est là ce qui constitue le grand courant moral de notre âge, aux dépens de toute activité, de toute initiative, de toute originalité individuelle. « On aboutit à la « totale dégénérescence de l’homme », dont ne savent pas s’écarter « les têtes sottement superficielles des socialistes », car elles ont pour idéal « l’abâtardissement et l’assombrissement de l’homme », égalisé en droits, égalisé par la vie commune dans la corporation collective, par les moyens communs d’atteindre les fins sociales. Le socialisme n’a d’autre but que de satisfaire et d’aduler « les plus sublimes aspirations de la bête de troupeau ». Le mouvement socialiste, comme le mouvement démocratique, n’est qu’une conséquence du mouvement chrétien qui a fondé la morale sur les notions de justice et de charité ! Et quel en est le résul-

(1) Aurore, p. 128.