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nietzsche et l’immoralisme

dès que le mot autorité se fait seulement entendre[1] ». Rien de plus autoritaire, on le voit, que ce prétendit libertaire qui fut Nietzsche.

Le dernier degré de ce que Nietzsche appellerait volontiers avec Rabelais l’Antinature, l’Antiphysis, c’est l’égalité que les démocrates et les socialistes veulent établir entre l’homme et la femme. Ils veulent faire, ces utopistes, ce que, selon un mot célèbre, le Parlement anglais, qui peut tout, ne peut cependant pas faire : changer la femme en homme. Les deux fonctions des deux sexes sont cependant aussi différentes que les sexes eux-mêmes : l’homme doit produire des œuvres de toute sorte ; pour la femme, en dehors de l’amour et de l’enfant, il n’y a rien. « Tout dans la vie de la femme est énigme, dit Zarathoustra, et tout dans la femme a une solution, qui a nom enfantement. » Et Zarathoustra ajoute : « Le bonheur de l’homme a nom : Je veux. Le bonheur de la femme a nom : Il veut. » Zarathoustra conclut que « l’homme doit être élevé pour la guerre, la femme pour le délassement du guerrier, tout le reste est folie ».

Nietzsche s’élève contre le « mariage moderne », — comme contre tout ce qui est moderne, — mariage sentimental, libéral, où on s’occupe des affections de chacun et des droits de chacun. Nietzsche voit là le renoncement à la raison profonde du mariage. Cette raison résidait, dit-il, dans « la responsabilité juridique exclusive de l’homme » : de cette façon le mariage avait un élément prépondérant, tandis qu’aujourd’hui « il boite sur deux jambes ». La raison du mariage résidait encore dans le principe de son indissolubilité, « cela lui donnait un accent qui, en face du hasard des sentiments et des passions, des impulsions du moment, savait se faire écouter ». Nietzsche ne se demande pas si la certitude d’une tyrannie inviolable n’avait pas de plus graves inconvénients.

  1. Crépuscule des idoles. Ibid.