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morale des maîtres et morale des esclaves

veut ici désigner par « esprit » que « la circonspection, la patience, la ruse, la dissimulation, le grand empire sur soi-même et tout ce qui est mimicry » ; une grande partie de ce qu’on appelle vertu, ajoute-t-il, appartient à cette dernière[1]. Toutes ces boutades peuvent être elles-mêmes de « l’esprit » ; il n’en reste pas moins que, de l’aveu de Nietzsche, l’intelligence demeure une force plus forte que la force.

Au milieu d’un tel conflit d’idées et en l’absence de tout critérium, comment Nietzsche, ce grand partisan de la hiérarchie, établira-t-il les degrés de son échelle sociale, maîtres et esclaves ? Point de véritable idéal régulateur, puisque « rien n’est vrai, tout est permis ». Est-ce donc par le fait seul que s’établira la hiérarchie, par la force effective ? Mais les aristocraties, aujourd’hui, sont moins fortes que le peuple, et Nietzsche en gémit ; elles sont donc inférieures au peuple ? — Non, car les élites sont plus savantes et meilleures. — Il y a donc, de nouveau, une science et une vérité scientifique, il y a une bonté quelconque, qui se reconnaît à certains signes ! Dès lors, tout n’est plus permis. Après avoir voulu nous envoler au delà du bien et du mal, nous revenons en deçà. Les ailes de Zarathoustra sont les ailes d’Icare.



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  1. Généalogie de la morale, p. 246.