Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/47

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humains, sans distinction de sauvages, barbares ou civilisés. N’est-ce pas lui qui les a tous créés ? Pourquoi voulez-vous qu’il en plonge l’immense majorité dans des brasiers éternels pour complaire à quelques prêtres féroces de l’âge moderne ? Je vous entends répondre que vous n’exigez pas des cruautés. Mais si vous consentez à envisager Dieu comme père commun des hommes, pourquoi ne voulez-vous pas que le régime de bonheur, le système social composé par lui soit applicable aux barbares et sauvages, comme à vous, civilisés ? Vous n’êtes que les plus jeunes de la grande famille et vous imitez ces aînés qui voulaient envahir tout le patrimoine et réduire tous leurs frères et sœurs à la misère. À leur exemple, vous voulez plonger dans les fournaises éternelles tous les barbares et sauvages, bien plus nombreux et plus anciens que vous. Si vous désavouez cette [] intention, désavouez donc aussi vos sectes qui la consacrent dans leurs dogmes et dans leurs cultes, vos philosophes qui font des codes applicables à la Civilisation exclusivement et à un seul de ses empires, vos superstitieux qui damnent tous les barbares et sauvages, et avec eux la majorité des civilisés !

S’il en était quelques-uns d’exceptés des bienfaits du code divin, comment pourriez-vous voir l’œuvre et la révélation de Dieu dans ce système qui n’établirait pas le bonheur universel, dans un bonheur simple qui ne s’étendrait pas à l’une et l’autre vie et qui serait par cela seul indigne de deux êtres de nature composée, tels que Dieu et l’homme ?

Et quel espoir pourriez-vous fonder sur Dieu si, tel que vous le dépeint la superstition, il se plaisait à vous torturer en cette vie par les privations pour éprouver si vous serez digne de lui dans une autre ? D’où présumeriez-vous que votre mort dût être le terme de ses délais, et qu’après vous avoir livrés dans ce monde aux privations, à la hache des bourreaux, il ne continuât pas dans l’autre monde à s’acharner sur vous, comme sur les 600 millions de sauvages et barbares dont vous prétendez que le supplice éternel sera pour Dieu une éternelle jouissance ?

À vous en croire, Dieu jouira prodigieusement des tortures éternelles de ces malheureux déchirés pour n’avoir pas été instruits de l’existence du culte romain[1].

  1. … Non, dit Sergius, Dieu qui a formé nos membres si fragiles et si délicats que la moindre parcelle de fer ou de bois suffit à les blesser gravement, ne peut s’amuser à nous donner un jour, dans un intérêt de vengeance, des muscles inaltérables aux douleurs les plus atroces, des membres d’une flexibilité et d’une souplesse sans bornes, pour qu’ils puissent se ployer et se tordre dans des souffrances sans fin, des nerfs d’une sensibilité exquise et d’une vigueur miraculeuse, afin de les voir se contracter