Page:Fournier - Mon encrier (recueil posthume d'études et d'articles choisis dont deux inédits), Tome II, 1922.djvu/130

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cueil, semble avoir inspiré M. Paul Morin.

Est-ce à dire qu’il n’ait gardé aucun souvenir du sol natal ? On se tromperait étrangement à le croire. N’est-ce pas à lui en effet qu’échappe ce cri poignant de douleur et de détresse (poème du Départ, page 112) :

Ô cher pays que j’aime autant que mon pays,
Vous ne serez demain qu’une des cent chimères
Dont meurt le fils de ceux qui, vendus et trahis,
Vous ont tout pardonne, puisqu’on pardonne aux mères !

Et n’est-ce pas lui aussi qui, vers la fin de son livre, dédie à ses compatriotes canadiens-français, en s’excusant de n’avoir parlé dans son œuvre que des vieux pays, cette pièce touchante — quoique déparée peut-être légèrement par une fausse figure :

Et si je n’ai pas dit la terre maternelle,
-----------Si je n’ai pas chanté
Les faits d’armes qui sont la couronne éternelle
-----------De sa grave beauté,

Ce n’est pas que mon cœur ait négligé de rendre
-----------Hommage à son pays,
Ou que, muet aux voix qu’un autre sait entendre,
-----------Il ne l’ait pas compris :

Mais il aurait fallu remplacer sur ma bouche
-----------Le luth par l’olifant,
Et je voulais louer la fleur après la souche,
-----------La mère avant l’enfant.

N’ayant pour seul flambeau qu’une trop neuve lampe,
-----------Les héros et les dieux
N’étant bien célébrés que l’argent à la tempe
-----------Et les larmes aux yeux,

J’attends d’être mûri par la bonne souffrance
-----------Pour, un jour, marier