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LA LANGUE FRANÇAISE AU CANADA

1914, que le parler du bon peuple de Bruxelles, par exemple. En comparaison de celui de Montréal, pourtant, quel français idéal ! Et quel horrible mélange (pardon, Racine !), en comparaison du français de Bruxelles, que le français de Montréal ! — J’en induis, je demande la permission d’en induire, que, si notre langage est devenu ce qu’il est, la seule ni la principale cause, mon cher Montigny, n’en est pas celle que vous dites. Non accrue par d’autres influences, tombant dans un peuple français normal, cette cause eût produit chez nous le mal qu’elle a produit ailleurs chez des peuples français normaux, — ni plus ni moins. Si elle en a produit davantage, c’est que d’autres causes — nous verrons lesquelles tout à l’heure — lui avaient d’avance préparé un terrain où pussent librement germer tous ses mauvais effets, — le propice et mou terrain, si accueillant à toute mauvaise graine, et si bien détrempé et si bien ameubli, le merveilleux terrain de nos cerveaux de nonchalance, de nos cerveaux d’à peu près.

b) Que ce fait vous ait échappé, que vous ayez pu écrire tout un livre sur la déformation du français au Canada sans une seule fois signaler cet aspect essentiel, cet aspect capital de tout le problème, je m’en étonne, pour ma part, et le regrette d’autant plus qu’un instant au moins vous m’aviez semblé ne plus pouvoir enfin ne