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LA LANGUE FRANÇAISE AU CANADA

le sens du français, redonnez-nous d’abord le génie de la langue, et ensuite… ensuite (ah ! très-bien !) ensuite (ah ! bravo !), vous pourrez y aller tout à votre aise de vos fameux remèdes. — En attendant, vous ne perdriez pas beaucoup plus risiblement votre temps, je vous en avertis, à vouloir enseigner la course à des paralytiques ou la danse à des culs-de-jatte.

Je me suis longuement demandé, durant que je parcourais votre ouvrage, comment pareille confusion avait pu s’établir dans votre esprit. Je crois le pouvoir dire maintenant. C’est qu’à votre âge, et pour grand que puisse être votre savoir en d’autres matières, vous en êtes évidemment encore, touchant le langage humain, à l’idée que nous nous en pouvions tous deux former à quinze ans, — je veux dire celle d’une chose tout extérieure à l’homme et toute distincte de lui, absolument comme sa coiffure, par exemple, ou son vêtement. Voilà qui explique votre erreur et nous livre enfin la clef de toute votre pensée : vous faisant du style une telle conception, comment douteriez-vous que les défauts du langage ne soient corrigibles de la même manière que les défauts de la toilette, et c’est-à-dire indépendamment de l’individu qui le parle ? On chasse bien d’un chapeau de feutre, pensez-vous, les taches de graisse par un simple traitement local : pourquoi en irait-il autrement des barbarismes