Page:Fournier - Mon encrier (recueil posthume d'études et d'articles choisis dont deux inédits), Tome II, 1922.djvu/32

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avons pour voisin un peuple de quatre-vingts millions d’hommes dont la civilisation ardemment positive, les conceptions toutes prosaïques et les préoccupations exclusivement matérielles sont la négation de l’idéal français, — un peuple d’une vie et d’une activité effrayantes, à cause de cela attirant comme un gouffre, et qui projette sur nous, jour et nuit, la monstrueuse fumée de ses usines ou l’ombre colossale de ses sky-scrapers. Rappelez-vous que même au Canada les deux-tiers des gens parlent l’anglais : que, un peu par notre faute, beaucoup à cause de circonstances contre lesquelles nous ne pouvons rien, nous sommes inférieurs à nos concitoyens d’autre origine sous le rapport de la richesse et sous le rapport de l’influence, — et que, malgré tout, nous subissons l’ambiance, nettement et fortement américaine. L’état d’écrivain chez nous n’a donc rien de très enviable. Le Canada est le paradis de l’homme d’affaires, c’est l’enfer de l’homme de lettres.


“Pour toutes ces raisons, vous devez une large bienveillance à ceux de nos gens qui ont du talent et le courage de l’exercer. Mais suivant moi vous leur avez jusqu’ici prodigué beaucoup trop de fleurs. Surtout, vous ne me paraissez point avoir fait la différence assez grande entre les meilleurs et les pires. Il faut bien croire que “tout est affaire de diapason”, puis-