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MON ENCRIER

la femme et Dieu ; pour exalter la gloire des vendanges sous le soleil et chanter

 
La couleur délicate et changeante des mois,


il n’y a pas de langue au monde : ni l’espagnol, ni l’italien, ni le français, qui soit seulement comparable à ce « patois ». Non, mon cher député, il n’y en a pas ; et quand vous aurez appris le provençal, comme je ne doute pas que vous le fassiez quelque jour, vous saurez me le dire.

Mistral, donc, n’a jamais écrit qu’en provençal. Cela n’empêche pas qu’il soit le poète de France dont la gloire soit la plus incontestée. Dès 1859, à l’apparition de Mireille, Lamartine écrivait de Mistral, alors âgé de vingt-sept ans, que l’humanité n’avait pas produit pareil génie depuis Homère. Tous les critiques ont par la suite ratifié ce jugement, qui semble de plus en plus devoir être celui de la postérité, et Mistral aujourd’hui est unanimement reconnu comme le plus grand poète que la France ait encore eu.

Cette gloire est tellement admise, elle plane tellement au-dessus des rivalités et même des discussions, que Mistral (fait unique dans l’histoire des lettres) a été statufié de son vivant. Depuis l’an dernier, son monument se dresse en effet sur une place publique, dans la ville d’Arles.