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LE GRAND VENEUR.

Des fanfares, des cris parlent du sein des bois ;
La meute a triomphé, le cerf est aux abois,
Il succombe, et le cor proclame sa défaite.
Henri Quatre a pris part à cette noble fête ;
Fatigué de sa course, et loin de son château,
Le monarque s’arrête au penchant d’un coteau ;
Entouré de sa cour, à l'ombre d’un vieux chêne,
Auprès de la beauté qui le charme et l’enchaîne,
Sur un gazon naissant et parsemé de thym
Il s’assied, et l’on dresse un champêtre festin ;
On savoure les mets que la faim assaisonne ;
Le vin s’échappe en flots du grès qui l’emprisonne :
On boit, on rit, on chante ; et, chantant à son tour,
Le Béarnais célèbre et le vin et l’amour :

« Maint souley cuysant environne
« La couronne !
« Si la mort m’arreste en chemin,
« Qu’en gais instans la camarde me treuve !
« Du sort chanceux un chascun faict l’espreuve !
« Sully, qu’adviendra-t-il demain ?

« Que m’importe, belle duchesse,
« La richesse ?
« Le sceptre embarrasse ma main ;
« Mais, presque mort d’amoureuse souffrance,
« Sur votre cœur règne le roi de France…
« Que mesme heur m’advienne demain.

« Une santé de cœur et d’ame,
« Belle dame !
« Tous en accord le verre en main !
« Ventre-saint-gris ! cet Arboys a mon âge !
« Emply toujours… encores, petit page…
« Advienne que pourra demain ! »

Mais des cors, des limiers sèment un bruit immense !
Dans le taillis du nord une chasse commence !