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BARTHÉLEMY (AUGUSTE-MARSEILLE).

Sois la lyre vivante et non pas le Cerbère
Du temple de la Liberté !

Un jour de nobles pleurs laveront ce délire,
Et ta main, étouffant le son qu’elle a tiré,
Plus juste arrachera des cordes de ta lyre
La corde injurieuse où la haine a vibré !
Moi, j’aurai bu cent fois l’amère calomnie,
Sans que ma lèvre même en garde un souvenir,
Car je sais que le temps est fidèle au génie,
Et mon cœur croit à l’avenir !


RÉPONSE DE BARTHÉLEMY


Tu ne me connais pas de colère saisie,
Ta Muse juge mal un frère en poésie ;
Tu sais mesurer l’âme à ton brillant compas ;
Oui, mais le cœur humain, tu ne le connais pas.
À l’emblème infernal que ce fronton indique,
En entendant rugir mon vers périodique
Qui, pareil au reflux que le ciel fait mouvoir,
Vient miner, en grinçant, le rocher du Pouvoir,
Au retentissement de mes sauvages rimes,
Tu crois que, me jouant des vertus et des crimes,
Ennemi de tout nom par sa gloire abrité,
Je marche, en Erostrate, à la célébrité,
Et sans que ma justice un instant délibère,
Sur l’honneur désarmé je me rue en Cerbère :
Tu crois que vil forban, sans patrie et sans port,
J’ai cloué sur mes mâts une tête de mort ;
Que pareil au Malais des îles de la Sonde,
Criant Amock, courbant ma tête vagabonde,
Gorgé de l’opium qui fascine mes sens,
De mon double poignard j’éventre les passants.