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Page:Frère Gilles - Les choses qui s'en vont, 1918.djvu/17

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LES CHOSES QUI S’EN VONT

leur amour du travail et leur amour, tout simplement.

La jeune femme — tout en ayant l’œil à son ordinaire — filait la laine de ses brebis, pour tricoter, le soir, de grandes chaussettes ou de petits mitons. Son homme, qui n’était jamais bien loin, à ses champs ou à ses serpages, pouvait la voir bordasser ; car elle fermait rarement la porte à demeure. À son appel de midi : « Ustache ! viens-t’en ; les pataques sont cuites », il pouvait répondre sans s’époumonner, sûr d’être entendu : « On y va, Mélie, on y va. » Et il venait.

Au cours du repas, tout comme la jeunesse qui est heureuse parce qu’elle n’a pas de passé, ils se parlaient de l’avenir. Puis, pendant que la créature dégreyait la table, Eustache, à genoux à la bavette du poêle, en train d’aveindre un tison pour allumer son calumet, demandait, sans faire semblant de rien : « Qu’est-ce que tu feras, Mélie, avec ces