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Page:Frère Gilles - Les choses qui s'en vont, 1918.djvu/52

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LES CHOSES QUI S’EN VONT

naient leur grand chapeau de tous les jours, pour que la terre les reconnût de loin ; et ils s’en allaient lui faire une visite d’amitié, toute pure celle-là. Et comme si les jours ne suffisaient pas, ils en rêvaient encore la nuit, pendant que les blés et les avoines pointaient sur le rond des planches, veloutant les bords grisâtres, puis grandissaient, grandissaient, en rêve comme en réalité, à pleine clôture.

Lorsqu’enfin leurs yeux, après avoir suivi avec amour la croissance des tiges élégantes, avaient vu descendre sur les lourds épis, tout l’or des soleils, ils se penchaient avec tendresse vers la terre aimée, moins pour lui arracher ses richesses que pour la soulager de son fardeau. Dans ces heures d’épreuve pour elle, sous le brisement des moissons, ils vivaient des heures inoubliables, dans le doux colloque non interrompu depuis les semences, et qui se terminait par un hymne de reconnaissance. La terre lasse, avec ses chaumes tout pâles, demandait un peu de repos ; en la laissant s’ensevelir sous la