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Quels êtres inconnus, quels terribles fantômes
De ces forêts sans fin hantent les vastes dômes,
Et peuplent de ces monts les détours hasardeux ?
Quel génie effrayant, quel cerbère hideux
Va, louche Adamastor, de ces eaux diaphanes,
Surgir pour en fermer l’entrée à ces profanes ?
Aux torrides rayons d’un soleil aveuglant,
Le cannibale est là peut-être, l’œil sanglant,
Comme un tigre embusqué derrière cette roche,
Qui guette, sombre et nu, l’imprudent qui s’approche.
Point de guides ! Partout l’inexorable accueil !
Ici c’est un bas-fond, là-bas c’est un écueil ;
Tout semble menaçant, sinistre, formidable ;
La côte, noirs rochers, se dresse inabordable…

Les fiers navigateurs iront-ils jusqu’au bout ?

— En avant ! dit Cartier qui, front grave et debout,
Foule d’un pied nerveux le pont de la dunette,
Et, pilote prudent, promène sa lunette
De tribord à bâbord, sondant les horizons.