Page:Frémine - Le Roi des Écrehou, 1886.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le flot, au clair de lune, laissait tout frissonnants sur le sable mouillé. Les oiseaux qui viennent au rivage, les mouettes, les courlis, les pies de mer les goélands, les chevaliers faisaient aux Écrehou leurs nids. J’ouvrais de grands yeux. L’abord en était difficile. Quelle joie d’y faire naufrage, d’y rester seul, abandonné, d’y vivre de ma pêche, de ma chasse, tout le jour d’y courir dans les rochers et, la nuit venue, blotti dans un creux de caverne d’entendre la grosse mer gronder bien fort autour de moi ! Je faisais ce rêve à dix ans ; il me hante encore aujourd’hui. Les meilleurs sont ceux qu’on garde toute la vie. Si insensé que le mien puisse paraître, je l’avais du moins échafaudé sur une base solide. Elle est de pur granit. J’y ai mis le pied. J’en arrive. Elle ne m’a pas gardé, mais j’ai vu l’antre de ma Chimère.


II


Dam ! il m’a fallu attendre. Ne va pas aux Écrehou qui veut.

Les navires passent au large de ces écueils redoutables. Seules, par les temps clairs, les barques de pêcheurs s’y hasardent Aussi, que de projets, que de voyages rejetés par un coup de vent à l’année suivante ! Encore il y a deux ans — et l’ami Pommier doit s’en souvenir — nous sommes restés trois jours dans la baie de Portbail, le bateau