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GUIDE DU BON SENS

qui donc compterait sur lui pour nous éblouir ?

On étouffe la voix de la conscience ; mais pour ne pas entendre la voix du bon sens, on en sera réduit à se boucher les oreilles.

On peut assister au triomphe de la conscience, du jugement, de la raison ; le bon sens, lui, ne triomphe jamais, et c’est par confusion ou par impropriété de termes que l’on nous annonce parfois le triomphe du bon sens.

Le bon sens n’a pas plus à triompher que la santé, sauf chez le malade. C’est un état, ce n’est pas un résultat. On acquiert du jugement ; on développe, on enrichit sa raison, on exalte sa conscience : rien de pareil avec le bon sens.

Pas de doctrine du bon sens ; un « guide du bon sens » ne saurait être un « art du bon sens » — tout au plus un traité d’hygiène.

Deux maladies principalement attaquent le bon sens : le paradoxe et l’ironie. Le paradoxe se manifeste par accès, par quintes ; l’ironie est une infection généralisée ; elle se voit dans nos actes, dans nos paroles, comme le ver dans le fruit ; rien n’y résiste ; elle empoisonne tout, elle ronge tout.

Une arme, l’ironie ? Une arme avec laquelle on se suicide.

C’est l’ironie qui, péjorativement, traite de lieux communs et de truismes toutes les formules du bon sens. Devant toutes nos paroles,