Page:France - Opinions sociales, vol 2, 1902.djvu/13

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l’ostensible abandon d’un privilège attaché à la classe bourgeoise. On se rappelait que M. Cassignol avait toujours tenu maison très honorablement et montré jusqu’en l’extrême vieillesse une sévère propreté dans ses habits. Bien qu’on le vît sans cesse occupé d’œuvres catholiques, nul n’aurait songé à dire, lui appliquant les paroles d’un orateur chrétien, qu’il aimait les pauvres jusqu’à se rendre semblable à eux. Ce qu’on ne croyait point venir d’un excès de charité passait pour un paradoxe de l’orgueil, et l’on regardait froidement cette humilité superbe.

On regrettait aussi que le défunt, officier de la Légion d’honneur, eût ordonné que les honneurs militaires ne lui fussent point rendus. L’état des esprits, enflammés par les journaux nationalistes, était tel qu’on se plaignait ouvertement dans la foule de ne pas voir les soldats. Le général Cartier de Chalmot, venu en civil, fut salué avec un profond respect par la députation des avocats. Des magistrats en grand nombre et des ecclésiastiques se pressaient devant la maison mortuaire. Et quand, au son des cloches, précédé par la croix et par les chants liturgiques, le corbillard s’avança lentement vers la cathédrale, entre les coiffes blanches de douze religieuses, suivi par les garçons et les filles des écoles congréganistes, dont la file grise et noire s’allongeait à perte de vue, le sens apparut clairement de cette longue vie consacrée au triomphe de l’Église catholique.

La ville entière suivait en troupe. M. Bergeret marchait parmi les traînards du cor-