Page:Francis de Miomandre - Écrit sur de l'eau, 1908.djvu/139

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vice de Paillon, et des arrangements de MM. Chose, Machin et Système. Et, par contraste, l’idée de posséder à elle seule l’âme et les sens d’un amant qui serait un véritable et jeune amoureux lui parut l’unique désir. Elle en devint presque ingénue.

Décidée à succomber dès la scène du baiser, elle n’exigea huit jours d’absence que pour, en se faisant plus lointaine, exciter d’avantage les rêves dont elle était l’objet ; et quand elle revit Jacques, elle posa le sourire de ses yeux sur le bonheur des yeux du jeune homme et lui tendit une main abandonnée comme un corps nu : brûlante, pâle et souple.

Ce qui se dit et ce qui ce passa dès lors dans le salon de Madame Bombard, Jacques n’en eut ni la conscience, ni le souvenir. Il parla, but du thé, remua, sans que l’on pût soupçonner son état de somnambulisme. Toute son imagination souriait sans rancune aux faits et gestes d’un Jacques de Meillan idéal, invisible à tous et qui, aux côtés de Madame Mazarakis, s’occupait d’elle avec ferveur. Il l’aidait à se déganter, buvait après elle dans sa tasse, caressait ses mains lumineuses et lui chuchotait dans la nuque mille secrets infiniment tendres. Quant à son esprit, il était entièrement tendu vers un seul point : arriver à partir en même temps que Madame Mazarakis. Il combina si bien ses mouvements qu’il y parvint sans éveiller l’attention et put la rejoindre sur un palier, par bonheur fort obscur.

— Pas ici ! dit-elle, effrayée.

Mais il ne l’écouta point et, l’ayant soulevée dans ses bras, il la porta comme une petite fille jusqu’à ce que le rayon d’une lampe, parti de la loge de la concierge, l’avertît qu’il allait dépasser la limite à partir de laquelle les convenances reprenaient leur empire. Il déposa son cher far-