Page:Franck - Dictionnaire des sciences philosophiques, 1845, T2.djvu/12

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4 DAMIEN. la double originc de la speculation alexandrine ; Plotin el ses succes- seurs suivaienl Platon dans son ascension dialectique, et arrivaionl, sinon avec lui , du moins par sa nielhodc, a I’liniic des eleales ; mais unc fois parvenus a cclle hauteur, au lieu do sc perdre dans I’absolu corame les cleates , et de nier le relalif fautc de pouvoir I’expliquer, ils acceplaient, au contraire, lesdonneesde I’experience, el mettaienl tous leurs soins a coneilier les resultals opposes de ces deux nielhodes, c’esl- a-dire le J)ieu puissant et intelligent , auquel le spectacle du monde nous conduit, et le Dieu absolu, supericur a rinleliigence et a I’etre, que nous donne la dialectique. Gette conciliation s’operait, dans I’ccole d’AIexandrie, au moyen de la theorie des hypostases, qui sauvait I’unitc de Dieu par lunite substanlielle du principc, et la pluralite des points de vue par la Trinite. On avail nieme pousse si loin labus de ces divisions inintelligibles, que Plolin et Porphyre nadmellaient pas scu- lement une Trinite, mais une Enneade. La solution proposee par Da- mascius fut toule differente. Il repoussa cette supposition dune plurality hypostalique qui n’allere pas runite substanlielle; il laissa tout enlicre I’unilc absolue de Dieu, qui le rend incomprehensible et ineffable; mais il soulint que, si nous ne connaissons pas sa nature, nous connaissons du moins son gouvernement, et son efficace par rapport au monde et a nous-mêmes.

Selon lui, nous savons clairement que Dieu est et qu’il est infini , et nous savons ce que c"est qu’être infini, sans pour cela comprendrc les attribuls de l'infinité. Par l’idee que nous avons speculativemcnt de Dieu, Dieu est infini et incomprehensible ; par les preuvcs que nous avons de la Providence, Dieu est bon, intelligent, puissant. Ce nest pas que nous arrivions par cette voie detournee a comprendre Dieu ; mais nous jugeons, par les effets de sa puissance , qu’il n"y a rien en lui qui ressemble a la negation de l'inlelligence, de la bonle, de la puis- sance. >’ous lui donnons ces attributs, parce qu’ils expriment ce que nous connaissons de plus parfait apres lui , avec cette reserve qu il ne les possede pas sous la forme que nous connaissons. Damascius, en parlant ainsi, etail tout prcs de penetrer le mystere qui a taut trouble cette ecole, et de rendre au dieu mystique des Alexandrins, a ce dieu qui n’est pas I’Elre, le vrai caractere du Dieu de la raison, c"est-a-dire de l'Etre absolu, incommunicable, sans mesure conmiunc avec l’être que nous sommes ; mais cette speculation incomplete el inachevee resta sans écho dans une école qui n’avait plus de souffle, et dont Proclus avait clos sans retour les brillantes destinées. J. S.


DAMIEN (Pierre), né à Ravenne, dans les premières années du XIe siècle, quitta le monde, jeune encore, pour entrer au monastère de Fontavellana, dont il fut élu abbé en 1041. Les services qu’il avait rendus au saint-siège dans plusieurs occasions importantes, ayant décidé le pape Etienne IX à le nommer, en 1057, cardinal et évêque d’Ostie, il n’accepta ces hautes dignités que pour les résigner peu d’années après. Malgré son penchant pour la solitude, il fut encore appelé à remplir les fonctions de légat en France, en Allemagne et en Italie. Il est mort à Faenza, le 22 février 1072. Pierre Damien n’a émis dans ses nombreux ouvrages aucune opinion