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la philosophie grecque, principalement dans la philosophie péripatéticienne, modifiée par quelques-uns des Pères ses prédécesseurs mais elle est loin de montrer, dans ses écrits, la richesse. de développement et la finesse d’aperçus qui la distinguent dans saint Augustin. Saint Jean Damascène fut célèbre, parmi ses contemporains, par sa vie solitaire et sa lutte contre les iconoclastes. La gloire que méritèrent sa piété et sa constance dans la foi a pu rejaillir sur ses écrits, sans que la critique moderne soit obligée de ratifier un jugement trop favorable.

Il y a plusieurs éditions des œuvres de saint Jean Damascène. Les principales sont celles de Jacques de Billy, abbé de Saint-Michel en l’Erm, Paris, 1619. Cette édition ne contient guère que les traductions latines des différents ouvrages de ce Père. Trois ont été données à Bâle par Marc Hopper, en 1548, 1559 et 1575 ; la dernière est beaucoup plus ample que les précédentes.

Enfin la meilleure et la plus nouvelle est celle du P. Lequien, Paris, 1712, chez J.-Bapt. Delespine, 2 vol. in-f°.

H. B.

DAMASCIUS de Damas, philosophe alexandrin du VIe siècle, a été compté mal à propos au nombre des stoïciens par Suidas suivi en cela par Fabricius. Il étudia d’abord à Alexandrie sous Théon et Ammonius, fils d’Hermias ; puis il se rendit à Athènes, où Zénodote lui apprit les mathématiques, et Marinus la philosophie. Mais ce qui le forma surtout à la dialectique, ce furent les entretiens et les leçons d’Isidore. Une étroite amitié se forma dès lors entre Isidore et Damascius et lorsque le premier, pour se rendre à Alexandrie, abandonna cette chaire d’Athènes illustrée par les Plutarque, les Syrien et les Proclus, ce fut Damascius qui lui succéda. Il fut le dernier anneau de cette chaîne glorieuse car le décret de Justinien qui ferma l’école d’Athènes mit bientôt fin à ses leçons, et le contraignit de chercher hors de l’empire un lieu où la philosophie pût respirer. Il se rendit auprès de Chosroès, avec Simplicius et les derniers débris de l’école de Plotin, et n’y trouva qu’un esclavage plus dur. Rentre dans le monde romain avec ses amis découragés, on croit qu’il se réfugia dans Alexandrie, ou subsistaient encore quelques traces des études philosophiques, et qu il y mourut obscurément. Ses principaux ouvrages sont des Commentaires sur divers dialogues de Platon, une Biographie des Philosophes, dont il nous reste des fragments où il est sans cesse question d’Isidore, et enfin des Problèmes et solutions sur les principes des choses, dont on a également retrouvé quelques lambeaux. Photius parle avec mépris de Damascius, dont les écrits, dit-il sont remplis de fables puériles et d’attaques déguisées, mais perfides, contre la religion chrétienne. S’il s’agit bien de notre Damascius, dans ce passage de Photius, on peut dire du moins que ce jugement est d’une témérité excessive car les seules traces qui nous soient restées de sa doctrine indiquent un esprit pénétrant, et capable d’imprimer à son école une direction nouvelle. On sait la double origine de la spéculation alexandrine ; Plotin et ses successeurs suivaient Platon dans son ascension dialectique, et arrivaient, sinon avec lui, du moins par sa méthode, à l’unité des éléates ; mais une fois parvenus à cette hauteur, au lieu de se perdre dans l’absolu comme les eléates et de nier le relatif faute de pouvoir l’expliquer, ils acceptaient, au contraire les données de l’expérience, et mettaient tous leurs soins à concilier les résultats opposés de ces deux méthodes, c’est-à-dire le Dieu puissant et intelligent, auquel le spectacle du monde nous conduit, et le Dieu absolu, supérieur à l’intel-


ligence et à l’être, que nous donne la dialectique Cette conciliation s’opérait, dans l’école d’Alexandrie, au moyen de la théorie des hypostases, qui sauvait l’unité de Dieu par l’unité substantielle du principes, et la pluralité des points de vue par la Trinite On avait même poussé si loin l’abus de ces divisions inintelligibles, que Plotin et Porphyre n’admettaient pas seulement une Trinité, mais une Ennéade. La solution proposée par Damascius fut toute différente. Il repoussa cette supposition d’une pluralité hypostatique qui n’altère pas l’unité substantielle ; il laissa tout entière l’unité absolue de Dieu, qui le rend incompréhensible et ineffable ; mais il soutint que. si nous ne connaissons pas sa nature, nous connaissons du moins son gouvernement, et son efficace par rapport au monde et à nous-mêmes.

Selon lui, nous savons clairement que Dieu est et qu’il est infini, et nous savons ce que c’est qu’être infini, sans pour cela comprendre les attributs de l’infinité. Par l’idée que nous avons spéculativement de Dieu, Dieu est infini et incompréhensible par les preuves que nons avons de la Providence, Dieu est bon, intelligent, puissant. Ce n’est pas que nous arrivions par cette voie détournée à comprendre Dieu ; mais nous jugeons, par les effets de sa puissance, qu’il n’y a rien en lui qui ressemble à la négation de l’intelligence, de la bonté, de la puissance. Nous lui donnons ces attributs, parce qu’ils expriment ce que nous connaissons de plus parfait après lui, avec cette réserve qu’il ne les possède pas sous la forme que nous connaissons. Damascius, en parlant ainsi, était tout près de pénétrer le mystère qui a tant troublé cette école, et de rendre au dieu mystique des alexandrins, à ce dieu qui n’est pas l’Être, le vrai caractère du Dieu de la raison, c’est-à-dire de l’Être absolu, incommunicable, sans mesure commune avec l’être que nous sommes ; mais cette spéculation incomplète et inachevée resta sans écho dans une école qui n’avait plus de. souffle, et dont Proclus avait clos sans retour les brillantes destinées. Le livre des Problèmes a été publié en partie par J. Kopp, Francfort 1826, in-8. Consultez l’Histoire critique de l’école d’Alexandrie par M. Vacherot, Paris, 1846-50 3 vol. in-8 et l’Histoire d’Alexandrie, par M. J. Simon, Paris, 1845, 2 vol. in-8.

DAMIEN (Pierre), né à Ravenne, dans les premières années du xiie siècle, quitta le monde, jeune encore, pour entrer au monastère de Fontavellana dont il fut élu abbé en 1041. Les services qu’il avait rendus au Saint-Siège dans plusieurs occasions importantes, ayant décidé le pape Étienne IX à le nommer, en 1057, cardinal et évêque d’Ostie, il n’accepta ces hautes dignités que pour les résigner peu d’années après. Malgré son penchant pour la solitude, il fut encore appelé à remplir les fonctions de légat en France, en Allemagne et en Italie. Il est mort à Faenza, le 22 février 1072.

Pierre Damien n’a émis dans ses nombreux ouvrages aucune opinion qui lui soit propre. Théologien orthodoxe, il reproduit fidèlement la doctrine de l’Église et craindrait de l’altérer en cherchant à l’approfondir. Il n’était pas étranger à la connaissance de l’antiquité mais il n’a aucune sympathie pour ses écrivains. Il veut ne recourir, selon ses termes, ni aux sources de l’éloquence cicéronienne, ni à la science de Platon et de Pythagore, mais suivre les sentiers frayés par la divine sagesse (Opp., t. III, p. 97, édit. de Paris). Ailleurs, il gourmande les moines qui étudient les règles de Donat de préférence à la règle de saint Benoît (Ib., p. 130). Comme il est ordinaire, cette rigueur envers


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