Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/108

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On pourrait essayer d’expliquer toutes ces variétés du rêve, en supposant qu’elles correspondent aux divers états intermédiaires entre le sommeil et la veille, aux diverses phases du sommeil incomplet. Mais, s’il en était ainsi, on devrait, à mesure que le rêve acquiert plus de valeur, un contenu plus riche et une netteté plus grande, se rendre compte de plus en plus distinctement qu’il s’agit d’un rêve, car dans les rêves de ce genre la vie psychique se rapproche le plus de ce qu’elle est à l’état de veille. Et, surtout, il ne devrait pas y avoir alors, à côté de fragments de rêves nets et raisonnables, d’autres fragments dépourvus de toute netteté, absurdes et suivis de nouveaux fragments nets. Admettre l’explication que nous venons d’énoncer, ce serait attribuer à la vie psychique la faculté de changer la profondeur de son sommeil avec une vitesse et une facilité qui ne correspondent pas à la réalité. Nous pouvons donc dire que cette explication ne tient pas. En général, les choses ne sont pas aussi simples.

Nous renoncerons, jusqu’à nouvel ordre, à rechercher le « sens » du rêve, pour essayer, en partant des caractères communs à tous les rêves, de les mieux comprendre. Des rapports qui existent entre les rêves et l’état de sommeil, nous avons conclu que le rêve est une réaction a une excitation troublant le sommeil. C’est, nous le savons, le seul et unique point sur lequel la psychologie expérimentale puisse nous prêter son concours, en nous fournissant la preuve que les excitations subies pendant le sommeil apparaissent dans le rêve. Nous connaissons beaucoup de recherches se rapportant à cette question, jusques et y compris celles de Mourly-Vold dont nous avons parlé plus haut, et chacun de nous a eu l’occasion de confirmer cette constatation par des observations personnelles. Je citerai quelques expériences choisies parmi les plus anciennes. Maury en a fait quelques-unes sur sa propre personne. On lui fit sentir pendant son sommeil de l’eau de Cologne : il rêva qu’il se trouvait au Caire, dans la boutique de Jean-Maria Farina, fait auquel se rattachait une foule d’aventures extravagantes. Ou, encore, on le pinçait légèrement à la nuque : il rêva aussitôt d’un emplâtre et d’un médecin qui l’avait soigné dans son enfance. Ou, enfin, on lui versait une goutte