Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/227

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à le supprimer, ce quelqu’un fût-il le père, la mère, un frère ou une sœur, un époux ou une épouse, etc. Cette méchanceté de la nature humaine nous avait étonnés et nous n’étions certes pas disposés à admettre sans réserves la justesse de ce résultat de l’interprétation des rêves. Mais dès l’instant où nous devons chercher l’origine de ces désirs dans le passé, nous découvrons aussitôt la période du passé individuel dans lequel cet égoïsme et ces désirs, même à l’égard des plus proches, ne présentent plus rien de déconcertant. C’est l’enfant dans ses premières années, qui se trouvent plus tard voilées par l’amnésie, — c’est l’enfant, disons-nous, qui fait souvent preuve au plus haut degré de cet égoïsme, mais qui en tout temps en présente des signes ou, plutôt, des restes très marqués. C’est lui-même que l’enfant aime tout d’abord ; il n’apprend que plus tard à aimer les autres, à sacrifier à d’autres une partie de son moi. Même les personnes que l’enfant semble aimer dès le début, il ne les aime tout d’abord que parce qu’il a besoin d’elles, ne peut se passer d’elles, donc pour des raisons égoïstes. C’est seulement plus tard que l’amour chez lui se détache de l’égoïsme. En fait, c’est l’égoïsme qui lui enseigne l’amour.

Il est très instructif d’établir sous ce rapport une comparaison entre l’attitude de l’enfant à l’égard de ses frères et sœurs et celle à l’égard de ses parents. Le jeune enfant n’aime pas nécessairement ses frères et sœurs, et généralement il ne les aime pas du tout. Il est incontestable qu’il voit en eux des concurrents, et l’on sait que cette attitude se maintient sans interruption pendant de longues années, jusqu’à la puberté et même au-delà. Elle est souvent remplacée ou, plutôt, recouverte par une attitude plus tendre, mais, d’une façon générale, c’est l’attitude hostile qui est la plus ancienne. On l’observe le plus facilement chez des enfants de 2 ans et demi à 5 ans, lorsqu’un nouveau frère ou une nouvelle sœur vient au monde. L’un ou l’autre reçoit le plus souvent un accueil peu amical. Des protestations, comme : « Je n’en veux pas, que la cigogne le remporte », sont tout à fait fréquentes. Dans la suite, l’enfant profite de toutes les occasions pour disqualifier l’intrus, et les tentatives de nuire, les attentats directs ne sont pas rares dans ces cas. Si la