Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/246

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que la pensée diurne ? Autrement dit, pourquoi le rêve ne correspondrait-il pas une fois à un désir réalisé, une autre fois, comme vous en convenez vous-mêmes, à son contraire, c’est-à-dire à une appréhension réalisée, pourquoi n’exprimerait-il pas un projet, un avertissement, une réflexion avec ses pour et contre, ou encore un reproche, un remords, une tentative de se préparer à un travail imminent, etc. ? Pourquoi exprimerait-il toujours et uniquement un désir ou, tout au plus, son contraire ? »

Vous pourriez penser qu’une divergence sur ce point est sans importance, dès l’instant où l’on est d’accord sur les autres, qu’il suffit que nous ayons découvert le sens du rêve et le moyen de le découvrir et qu’il importe peu, après cela, que nous ayons trop étroitement délimité ce sens. Mais il n’en est pas ainsi. Un malentendu sur ce point est de nature à porter atteinte à toutes nos connaissances acquises sur le rêve et à diminuer la valeur qu’elles pourraient avoir pour nous lorsqu’il s’agira de comprendre les névroses. Il est permis d’être « coulant » dans les affaires commerciales ; mais lorsqu’il s’agit de questions scientifiques, pareille attitude n’est pas de mise et pourrait même être nuisible.

Donc, pourquoi un rêve ne correspondrait-il pas à autre chose qu’à la réalisation d’un désir ? Ma première réponse à cette question sera, comme toujours dans les cas analogues : je n’en sais rien. Je ne verrais nul inconvénient à ce qu’il en fût ainsi. Mais en réalité il n’en est pas ainsi, et c’est le seul détail qui s’oppose à cette conception plus large et plus commode du rêve. Ma deuxième réponse sera que je ne suis pas moi-même loin d’admettre que le rêve correspond à des formes de pensée et à des opérations intellectuelles multiples. J’ai relaté un jour l’observation d’un rêve qui s’était reproduit pendant trois nuits consécutives, ce que j’ai expliqué par le fait que ce rêve correspondait à un projet et que, celui-ci exécuté, le rêve n’avait plus aucune raison de se reproduire. Plus tard j’ai publié un rêve qui correspondait à une confession. Comment puis-je donc me contredire et affirmer que le rêve n’est qu’un désir réalisé ?

Je le fais pour écarter un naïf malentendu qui pourrait rendre vains tous les efforts que nous a coûtés le rêve, un malentendu qui confond le rêve avec les idées latentes