Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/334

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nôtre ; qu’ils font, pour obtenir leur satisfaction, les mêmes sacrifices, souvent très grands, que nous, et qu’en s’attachant à tous les détails de leur vie sexuelle, on peut découvrir les points sur lesquels ces anomalies se rapprochent de l’état normal et ceux sur lesquels elles s’en écartent. Vous constaterez que dans ces anomalies le caractère d’indécence, inhérent à l’activité sexuelle, est poussé à l’extrême degré, à un point où l’indécence devient de la turpitude.

Et maintenant, quelle attitude devons-nous adopter à l’égard de ces modes extraordinaires de satisfaction sexuelle ? Déclarer que nous sommes indignés, manifester notre aversion personnelle, assurer que nous ne partagerons pas ces vices — tout cela ne signifie rien et, d’ailleurs, ce sont des choses qu’on ne nous demande pas. Il s’agit, après tout, d’un ordre de phénomènes qui sollicite notre attention au même titre que n’importe quel autre ordre. Se réfugier derrière l’affirmation que ce sont là des faits rares, de simples curiosités, c’est s’exposer à recevoir un rapide démenti. Les phénomènes dont nous nous occupons sont, au contraire, très fréquents, très répandus, Mais si l’on venait nous dire que ces déviations et perversions de l’instinct sexuel ne doivent pas nous induire en erreur quant à notre manière de concevoir la vie sexuelle en général, notre réponse serait toute prête : tant que nous n’aurons pas compris ces formes morbides de la sexualité, tant que nous n’aurons pas établi leurs rapports avec la vie sexuelle normale, il nous sera également impossible de comprendre cette dernière. Bref, nous nous trouvons devant une tâche théorique urgente, qui consiste à rendre compte des perversions dont nous avons parlé et de leurs rapports avec la sexualité dite normale.

Nous serons aidés dans cette tâche par une remarque et deux nouvelles expériences. La première est d’Ivan Bloch qui, à la conception qui voit dans toutes ces perversions des « signes de dégénérescence », ajoute ce correctif que ces écarts du but sexuel, que ces attitudes perverses à l’égard de l’objet sexuel ont existé à toutes les époques connues, chez tous les peuples, aussi bien chez les plus primitifs que chez les plus civilisés, et qu’ils ont parfois joui de la tolérance et de la reconnaissance