Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/354

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identiques dans les deux cas. Devons-nous en conclure qu’il s’agit là d’une identité réelle et que la différence spécifique existant entre le poirier et la fève n’apparaît que plus tard au cours de la croissance ? N’est-il pas plus correct, au point de vue biologique, d’admettre que cette différence existe déjà chez les embryons, malgré l’identité apparente des cotylédons ? C’est ce que nous faisons, en dénommant sexuel le plaisir procuré par les activités du nourrisson. Quant à savoir si tous les plaisirs procurés par les organes doivent être qualifiés dé sexuels ou s’il y a, à côté du plaisir sexuel, un plaisir d’une nature différente —, c’est là une question que je ne puis discuter ici. Je sais peu de choses sur le plaisir procuré par les organes et sur ses conditions, et il n’y a rien d’étonnant si notre analyse régressive aboutit en dernier lieu à des facteurs encore indéfinissables.

Encore une remarque ! Tout bien considéré, vous ne gagneriez pas grand-chose en faveur de votre affirmation de la pureté sexuelle de l’enfant, alors même que vous réussiriez à me convaincre qu’il y a de bonnes raisons de ne pas considérer comme sexuelles les activités du nourrisson. C’est que, dès la troisième année, la vie sexuelle de l’enfant ne présente plus le moindre doute. Dès cet âge, les organes génitaux deviennent susceptibles d’érection et on observe alors souvent une période de masturbation infantile, donc de satisfaction sexuelle. Les manifestations psychiques et sociales de la vie sexuelle ne prêtent à aucune équivoque : choix de l’objet, préférence affective accordée à telle ou telle personne, décision même en faveur d’un sexe à l’exclusion de l’autre, jalousie, tels sont les faits qui ont été constatés par des observateurs impartiaux, en dehors de la psychanalyse et avant elle, et qui peuvent être vérifiés par tous ceux qui ont la bonne volonté de voir. Vous me direz que vous n’avez jamais mis en doute l’éveil précoce de la tendresse, mais que vous doutez seulement de son caractère « sexuel ». Certes, à l’âge de 3 à 8 ans les enfants ont déjà appris à dissimuler ce caractère, mais, en observant attentivement, vous découvrirez de nombreux indices des intentions « sensuelles » de cette tendresse, et ce qui vous échappera au cours de vos observations directes ressortira facilement à la suite d’une enquête