Page:Freud - Introduction à la psychanalyse (trad. Jankélévitch), 1923.djvu/470

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d’une psychanalyse, il devenait un autre homme ; et voilà que je viens vous dire que sa guérison consiste en ce qu’il a un peu plus de conscient et moins d’inconscient qu’auparavant ! Or, vous sous-estimez très probablement l’importance d’un changement intérieur de ce genre. Le nerveux guéri est en effet devenu un autre homme, mais au fond, et cela va sans dire, il est resté le même, c’est-à-dire qu’il est devenu ce qu’il aurait pu être, indépendamment du traitement, dans les conditions les plus favorables. Et c’est beaucoup. Si, sachant cela, vous entendez parler de tout ce qu’il faut faire, de tous les efforts qu’il faut mettre en œuvre pour obtenir cette modification insignifiante en apparence dans la vie psychique du malade, vous ne douterez plus de l’importance de cette différence de niveau psychique qu’on réussit à produire.

Je fais une petite digression pour vous demander si vous savez ce qu’on appelle une thérapeutique causale. On appelle ainsi une méthode thérapeutique qui, au lieu de s’attaquer aux manifestations d’une maladie, cherche à en supprimer les causes. Or, la thérapeutique psychanalytique est-elle une thérapeutique causale ou non ? La réponse à cette question n’est pas simple, mais nous offre peut-être l’occasion de nous rendre compte de l’importunité de la question elle-même. Dans la mesure où la thérapeutique analytique n’a pas pour but immédiat la suppression des symptômes, elle se comporte comme une thérapeutique causale. Mais, envisagée à un autre point de vue, elle apparaît comme n’étant pas causale. Nous avons depuis longtemps suivi l’enchaînement des causes, à travers les refoulements, jusqu’aux prédispositions instinctives, avec leurs intensités relatives dans la constitution de l’individu et les déviations qu’elles présentent par rapport à leur développement normal. Supposez maintenant que nous soyons à même d’intervenir par des procédés chimiques dans cette structure, d’augmenter ou de diminuer la quantité de libido existant à un moment donné, de renforcer un instinct aux dépens d’un autre ; ce serait-là une thérapeutique causale au sens propre du mot, une thérapeutique au profit de laquelle notre analyse a accompli le travail de reconnaissance préliminaire et indispensable.